CHAPITRE XXI
Le crépuscule tombait déjà.
Les derniers rayons écarlates pénétraient par la fenêtre de la chambre de Buffy, inondant le sol. La sphère embrasée du soleil se couchait à l’horizon.
— Buffy ? appela Joyce Summers depuis le couloir.
La jeune fille entendit, mais elle ne répondit pas. Elle continuait à fouiller sa penderie quand sa mère entra dans la pièce.
Si je dois être une Tueuse, autant que j’en ai l’air, songea Buffy. Je ne peux pas mettre de vieilles frusques pour me rendre à la Moisson…
Finalement, elle opta pour sa veste en cuir brun.
— Tu sors ? demanda Joyce derrière elle.
Buffy entendit de la désapprobation dans la voix de sa mère. Elle s’efforça de prendre un air détaché.
— Oui, j’ai rendez-vous.
Une pause.
— Je ne t’ai pas entendue rentrer la nuit dernière, déclara enfin Joyce.
— J’ai fait attention à ne pas te réveiller, répliqua Buffy.
Cette fois, le silence qui suivit n’avait rien de détendu. La déception de Joyce était presque palpable.
— Tu as recommencé, n’est-ce pas ? soupira-t-elle.
Buffy se figea. Elle se redressa, fit volte-face et soutint le regard de sa mère.
— Ton proviseur m’a appelée, expliqua Joyce. Il dit que tu as manqué plusieurs cours aujourd’hui.
— J’ai dû… aller faire une course.
Embarrassée, Buffy se concentra sur la penderie. Elle en sortit un coffre qu’elle ouvrit, et dont elle examina le contenu. Les yeux de sa mère étaient vrillés dans son dos.
— Nous n’avons pas fini d’emménager, et je reçois déjà des coups de fil de ton proviseur, insista Joyce.
— Maman, je te promets que ce sera différent, dit Buffy d’une voix suppliante. Mais il faut absolument que je sorte ce soir.
— Non.
La jeune fille n’en crut pas ses oreilles.
— Maman…
Elle leva les yeux vers la fenêtre. Dehors, l’obscurité s’épaississait rapidement.
Mais Joyce resta plantée dans l’encadrement de la porte.
— Mon psy pense que je devais m’habituer à le dire, expliqua-t-elle, presque sur la défensive. Donc… non.
— C’est très important.
— Je sais : si tu ne sors pas, ce sera la fin du monde. Tout est une question de vie ou de mort quand on a seize ans.
— Maman, je n’ai pas le temps de discuter…
— Oh que si ! Tu as toute la nuit devant toi, Buffy, parce que tu n’iras nulle part. Mais si tu veux, tu peux rester cloîtrée dans ta chambre et bouder. C’est ton droit le plus strict.
Joyce s’avança vers sa fille et, prenant une grande inspiration, lui posa les mains sur les épaules.
— Si tu acceptes de dîner avec moi, le couvert est déjà mis…
Elle sortit, refermant la porte derrière elle. Buffy resta immobile un moment, puis secoua la tête et se remit à fouiller dans le coffre. C’était là qu’elle gardait toutes ses affaires personnelles : photos, lettres, journal intime, souvenirs d’enfance…
La jeune fille saisit le double fond et le souleva. Elle était la seule à connaître la cachette de son arsenal, un assortiment de pieux et de croix, un paquet d’hosties, un chapelet d’ail et une gourde d’eau bénite.
Elle fourra le tout dans son sac, ne conservant qu’un pieu à l’aspect particulièrement agressif. Il tenait dans sa main comme s’il avait été une extension de son bras plutôt qu’une simple arme.
Buffy le glissa dans sa manche et se dirigea vers la porte de sa chambre.
Elle colla son oreille au battant. En bas, tout était calme.
Sur la pointe des pieds, elle s’approcha de la fenêtre et la souleva. Puis elle sauta dans la terre meuble du jardin, et les ténèbres l’engloutirent.